QU'EST CE QUE LA BEATIFICATION


Bienheureux et Saints dans l’Eglise.

On appelle « bienheureux » ou « saint » un homme ou une femme qui, tout au long de sa vie, s’est efforcé d’imiter le Christ, de conformer sa vie à la volonté de Dieu. Tout être humain se trouve ainsi appelé à partager la vie même de Dieu, à se « sanctifier ».

A cette définition, répondent des millions de personnes, de toutes conditions, de tous âges, de tous pays.

Par la « BEATIFICATION » ou la « CANONISATION », l’Eglise en choisit certains pour les donner en exemple et stimuler ainsi la vie chrétienne des fidèles. La béatification est l’acte par lequel une personne défunte est déclarée « bienheureux » et son culte public autorisé pour une région, un diocèse, un institut religieux. La canonisation inscrit une personne sur la liste officielle (canon) des saints, et étend son culte à l’Eglise tout entière.

Ces actes sont réservés au pape depuis le XIIe siècle. Une véritable procédure s’est alors développée pour apprécier la vie, les œuvres et la réputation de sainteté d’une personne. L’œuvre du cardinal Prosper Lambertini (le futur Benoît XIV) fut, dans ce sens prédominante. Les grands principes qu’il collationna dans son traité « De servorum Dei beatificatione et beatorum canonisatione » (1734-1738) furent substantiellement repris dans le Code de droit canonique de 1917.

Sous le pontificat de Pie XI, les sciences historiques furent officiellement honorée par la création d’une section spécifique au sein de la congrégation romaine compétente en matière de canonisations. La cause des « Martyrs de Septembre » devança ces décisions. Leur cas jugé avec rigueur démontre la volonté des spécialistes de l’époque d’apprécier avec les instruments de la critique historique les causes anciennes où les témoins font défaut.

De nouvelles normes ont été promulguées le 25 janvier 1983, par le pape Jean-Paul II (Constitution apostolique « Divinus perfectionis Magister »). Elles donnent une place plus importante encore à l’enquête menée initialement par l’évêque diocésain.

Trois éléments sont constitutifs d’une cause de béatification ou de canonisation

- la sainteté manifestée par le martyre ou la pratique héroïque des vertus,

- la vérification de cette réputation de sainteté, par une enquête rigoureuse,

- la reconnaissance de la sainteté par le Magister de l’Eglise.

C’est donc la « réputation de sainteté » d’une personne qui est première : sa vie vertueuse, son amour du Christ jusqu’au don du sang (le martyre), des miracles qui peuvent être attribués à son intercession, le culte dont certains sont entourés depuis très longtemps. La « vox populi » a toujours été, dans l’Eglise, à l’origine du culte des saints. Depuis la dévotion des premiers chrétiens sur la tombe de leurs martyrs jusqu’au rayonnement des grandes figures spirituelles des temps modernes ou contemporains, il s’agit bien d’une initiative de tout un peuple – ou d’une partie du Peuple de Dieu – qui invite les pasteurs de l’Eglise à se prononcer.

Lorsque l’Eglise décide de vérifier cette renommée, elle « engage » la cause et confie à un « postulateur » la charge d’enquêter sur la vie d’un serviteur de Dieu. Le rôle de ce personnage est capital puisqu’il doit fournir un dossier complet et fortement argumenté en faveur de la cause de canonisation.

Il revient normalement à l’évêque du lieu où est mort le serviteur de Dieu de procéder à l’enquête diocésaine. Celle-ci a pour but essentiel de recueillir tous documents et témoignages possibles sur la vie du serviteur de Dieu. L’étude des écrits publiés, puis inédits (lettres, journal intime, etc.) est confiée à des experts théologiens. Il s’agit ici de prouver que dans ces textes il ne se trouve rien de contraire « à la foi et aux bonnes mœurs » ce qui, par voie de conséquence, pourrait constituer un obstacle à la cause. Bien sûr, la recherche des écrits non publiés appelle la compétence de spécialistes historiens et archivistes, tout particulièrement dans les causes anciennes pour lesquelles les témoins sont rares ou inexistants.

L’enquête se poursuit par l’interrogatoire des témoins présentés par le postulateur ou convoqués d’office. Leurs dépositions n’ont pour autre but que de « connaître la vérité sur la vie du serviteur de Dieu, sur ses vertus ou son martyre, sur sa renommée de sainteté ou de martyre » (Normes 15). Il est procédé à une enquête parallèle, mais analogue sur les miracles attribués au serviteur de Dieu.

Le martyre a toujours eu une place privilégiée puisqu’il s’agit d’une imitation du Christ jusque dans Sa Passion. Deux conditions essentielles sont alors retenues : d’une part la mort réelle et violente du serviteur de Dieu, d’autre part l’intention du persécuteur (« haine contre la foi ») et l’acceptation courageuse et spirituelle de la part du martyr.

Déterminante la deuxième étape de la cause se déroule, à Rome, au sein de la ”Congrégation pour les causes des saints”. Accompagnés de la « déclaration d’absence de culte » (décrets d’Urbain VII), les documents de l’enquête diocésaine sont confiés au dicastère compétent.

L’étude de la cause est alors confiée à un « rapporteur ». C’est lui qui prépare les différents documents de synthèse qui aideront à la décision finale : les « positiones ». Il s’agit de véritables dossiers documentaires extrêmement précis et complets. On rédige une « positio » pour chacun des grands « critères » de la béatification : martyre (s’il y a lieu), héroïcité des vertus, miracles.

Ces dossiers sont examinés par les experts de la Congrégation. Il s’agit de « consulteurs » théologiques ou d’historiens. Ce sont aussi des médecins (pour les miracles). Ces experts étudient tous les documents et se prononcent sur le fond de la cause.

L’avis des consulteurs permet à la réunion (congrégatio) des cardinaux et évêques de statuer sur la reconnaissance du martyre ou de l’héroïcité des vertus. Il en va de même pour les miracles (il y a possibilité de dispense en cas de martyre). Chaque « reconnaissance » fait l’objet d’un décret de la Congrégation, approuvé par le Saint-Père : décret sur le martyre ou sur l’héroïcité des vertus, décret sur les miracles.

La décision de béatifier « appartient en dernier ressort au Pontife Romain » à qui seul revient de droit la décision sur le culte ecclésiastique qui peut être rendu à un “serviteur de Dieu ».

« Bienheureux » et pourquoi pas « saint » ?


Dans la décision finale du Saint-Père intervient un réel souci d’opportunité d’étendre ou non le culte et l’exemple de « bienheureux » à l’Eglise universelle. En soit, cela n’ajoute rien aux personnes qui, déjà, participent à la gloire e Dieu. Le plus important n’est-il pas de garder vivante la mémoire de eux qui ont désiré vivre dans l’amitié de Dieu d’un amour sans partage ?

Jean-Michel Fabre, « 1792 Les massacres de septembre (Les Carmes, l’Abbaye, Saint-Firmin) », catalogue raisonné de l’exposition. Paris, 1992, pages 115 à 117.