Intérieur de l'église des Carmes - années 50
Le 11 août en fin de journée, Mgr du Lau et 46 prêtres se retrouvent à la section du Luxembourg. Après un interrogatoire sommaire, ils sont enfermés le soir même dans l'église des Carmes transformée en dépôt : on leur donne du pain et de l'eau et ils couchent à même le pavage, avec un garde à côté de chacun d'eux pour interdire toute conversation.
Le 13 août, c'est au tour de l'évêque de Beauvais d'être arrêté ; son frère, l'évêque de Saintes, qui n'avait pas à prêter serment, son diocèse étant supprimé, demande à le suivre ; ils sont tous deux conduits dans l'église des Carmes. Le même jour, ce sont tous les prêtres résidant à Saint-Firmin qui sont arrêtés et maintenus sur place, une sentinelle est placée à l'entrée du séminaire avec consigne de laisser entrer tout le monde et ne laisser sortir personne. Dans l'après-midi, les prêtres et les professeurs laïcs de la Maison des Nouveaux Convertis sont amenés à Saint-Firmin au milieu des hurlements et des insultes, ils sont incarcérés dans les chambres des deux galeries du bâtiment neuf. On déclare aux prisonniers que c'est pour assurer leur protection qu'ils sont incarcérés.
Le 15 août, dans l'après-midi, une cinquantaine de volontaires lorientais armés, conduits, par un nommé Lazowski dit Le Foudroyant, envahissent les différentes maisons religieuses d'Issy. Ils arrêtent les professeurs et les séminaristes du séminaire Saint-Sulpice et 10 pensionnaires, pour la plus part âgés et infirmes, de la Maison Saint-François-de-Sales et les conduisent à la pension de l'Abbé Dubourg ; le maire d'Issy, alerté, se rend sur place et essaye de démontrer que ces arrestations sont contraires au décret sur la déportation des prêtres. Un « particulier vêtu d'un pantalon et veste bleu, décoré d'un hausse col, sans dire son nom et qualité » présente deux papiers dont il lit les premiers mots sans présenter le reste et déclare qu'il n'y a plus de loi qui puisse l'arrêter. Le maire, trouvant les esprits échauffés et disposés à en venir aux mains avec la force armée de sa commune, ne croit pas prudent d'opposer toute l'autorité de la loi à cette démarche violente. Il obtient tout de même que trois des prêtres, les plus âgés, soient libérés. A la tombée de la nuit, vingt-huit prêtres et séminaristes, en habit ecclésiastique, puisque pris dans l'intérieur de leurs maisons, sont alors emmenés à Paris. Ils sont précédés du Foudroyant à cheval et de deux canons, avec accompagnement de tambours, escortés par des hommes armés qui poussent des cris de mort et obligent les vieillards infirmes à marcher plus vite à grands renforts de coups. Au bout d'une marche de près de 5 kilomètres, à 11 heures du soir, ils sont enfermés dans l'église des Carmes.
Le 16 août au matin, le Bataillon de Vaugirard arrête les prêtres insermentés et les séminaristes des maisons de campagne des collèges de Laon et des Robertins situées dans ce village. Ils sont conduits sous les cris et huées, par la rue de Sèvres, à la section de la Croix Rouge qui siégeait dans l'église des Prémontrés (à l'angle des rues de Sèvres et du Cherche-Midi) ; là , après plusieurs heures d'attente sans manger, vers 3 heures et demie du matin, les séminaristes reçoivent l'ordre de rentrer dans leur famille, les prêtres sont conduits dans l'église des Carmes.
Les rafles continuent systématiquement par établissement religieux ou par rue et chaque jour de nouveaux prêtres sont arrêtés et conduits aux dépôts de Saint-Firmin et des Carmes ou dans les prisons de l'Abbaye et de La Force.
Le 28 août, Danton, ministre de la Justice, ordonne à toutes les Sections d'effectuer des visites domiciliaires chez tous les suspects. Du 29 au 30 août, les barrières de Paris sont fermées, pendant que des patrouilles vont de maison en maison. Des milliers d'aristocrates, bourgeois et prêtres insermentés, accusés d'êtres conspirateurs et traîtres à la Patrie, sont arrêtés et conduits dans les différentes prisons de Paris. Les dernières arrestations de prêtres auront lieu le 2 septembre dans la matinée, ils seront conduits directement à l'Abbaye et massacrés devant la porte.
Pendant ce temps les rumeurs courent bon train : on a vu des prêtres tirer sur les patriotes le 10 août, on a trouvé des armes cachées dans un presbytère de banlieue, un condamné sur le point d'être exécuté a révélé un vaste complot dans les prisons, en liaison avec les nobles restés chez eux et visant à poignarder dans le dos les patriotes qui tenteraient de s'opposer à la progression de l'ennemi… La peur s'installe dans la population, les meneurs ont beau jeu de remuer les foules. Les journaux révolutionnaires appellent au meurtre, comme "L'Ami du Peuple" du 19 août dans lequel Marat écrit : "Avant de voler aux frontières, il faut être sûr de ne laisser derrière soi aucun traître, aucun conspirateur... Le plus sûr parti est de se porter en armes à l'Abbaye, d'en arracher les traîtres, particulièrement les officiers suisses et leurs complices et les passer au fil de l'épée." Le 28 août, ce sont des affiches qui proclament "il faut que le peuple juge lui-même les grands procès des conspirateurs".